Filmographie

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Explorers Mosquito Coast


Stand By Me


Première N° 119, février 1987

Un homme se souvient. De son enfance dans cette petite ville trop tranquille de l'Amérique profonde pendant l'été 1959. De ses copains, Chris, Teddy et Vern, et du bouleversement qu'ils ont connu cet été pas comme les autres. Un homme mûr (c'est Richard Dreyfuss, en guest star), écrivain de son état, se penche sur son passé et soudain sa mémoire ravive des souvenirs à peine édulcorés par le temps. Le narrateur, c'est Gordie, l'intello de cette bande des quatre, qui autrefois était si sûr justement de devenir écrivain. Avec ses amis, il va partir à la recherche du corps d'un adolescent du coin, mystérieusement disparu depuis plusieurs jours. Commence alors une exaltante expédition au cours de laquelle ils vont faire front à des émotions nouvelles, des rencontres bizarres, notamment avec le gang de terreurs locales mené par Ace (Kiefer Sutherland, fils et portrait craché de Donald Sutherland), des prises de conscience imprévues.
"Stand by me", c'est d'abord un succès de Ben E. King, une chanson entêtante, dont les paroles à elles seules magnifient et résument une époque, un mode de vie et les espoirs illusoires d'une nouvelle génération d'Américains.
"Stand by me", le film, c'est une longue nouvelle du prolifique Stephen King, qu'on croyait cantonné dans le registre supernaturel. Nouvelle à laquelle Rob Reiner, le réalisateur, avait d'emblée trouvé des qualités d'émotions qui, pour une fois, ne faisaient pas appel aux effets spéciaux habituels chez l'auteur de "Carrie" ou "Christine". "Stand by me" est le troisième film de Reiner - après "This is spinal tap" et "Garçon chic pour nana choc" (sic!) - qui, avant de passer derrière la caméra, a été acteur, notamment pour son père, Carl Reiner, metteur en scène du désopilant "Les cadavres ne portent pas de costards". Remarquablement interprété par quatre jeunes acteurs pratiquement inconnus chez nous, bien que déjà comédiens chevronnés, "Stand by me" évite aussi les clichés faciles du genre de la sauce rétro. Avec le parti pris d'une réalisation discrète et pudique, Rob Reiner a réussi son pari. "Stand by me", qu'on a eu la bonne idée de sous-titrer "Compte sur moi" en français, est une belle leçon de vie et de cinéma qui prouve que les souvenirs d'enfance sont indélébiles. "Stand by me'' est un hymne tendre et fort comme un rêve retrouvé, à la nostalgie poignante et drôle. L'émotion instantanée.

JEAN-PAUL CHAILLET


Starfix N° 45, février 1987

Stephen King est un écrivain qui a vraiment du bol. Non seulement ces romans sont presque tous systématiquement adaptés au cinéma dans les deux ans qui suivent leurs parutions (fait quasi-unique), mais qui plus est, par la crème des cinéastes américains ( Carrie / DePalma, Shining / Kubrick, Cujo / Lewis Teague, Christine / Carpenter, Dead Zone / Cronenberg, et bientôt Simetierre/Romero). Comme un fait exprès, King, d'abord obsédé par les grands thèmes classiques de la littérature fantastique (possession, parapsychologie, vampirisme) affine sans cesse son œuvre, et s'éloigne du bric à brac mythologique pour rejoindre des terrains plus intimes, plus mystérieux, plus poétiques même. Témoin en est cette nouvelle, The Body, publiée dans le recueil Différentes saisons, dont Rob Reiner a tiré son film, Stand by Me. Quatre jeunes adolescents très typés (le chef, le poète, le bargeot, le traîne-savates), décident, un week-end de l'été 1959, d'accomplir un pèlerinage macabre : partir à la recherche du cadavre d'un jeune garçon, fauché par un train à une trentaine de kilomètres de Castle Rock, leur bourgade natale de l'Oregon.
Avec une délicatesse rare et une attention aux cérémonies secrètes de l'enfance qui n'est pas sans rappeler le Truffaut des Quatre cents coups et de L'enfant sauvage, Rob Reiner, qui respecte King à la ligne près, épie de sa caméra sensuelle et complice, les frissons, les joies, les blessures de ces quatre scouts blasphémateurs, déjà tourmentés par la mort. Ca aurait pu être niais et obscène. C'est à la fois tragique et drôle, trouble et innocent. Comme l'enfance.

FRANCOIS COGNARD


Studio N° 1, mars 1987

C'est une histoire de mômes, quatre mômes d'une douzaine d'années, un fameux carré d'as. Comme tous les mômes, ils ont une cabane dans un arbre, fument comme des sapeurs, profèrent d'épouvantables jurons, et ont leur code, secret bien sûr. Comme tous les mômes, quand ils commencent à rire trop fort, ils finissent par pleurer…
Dans leur bled paumé de l'Oregon, c'est une fin d'été engourdie et il ne se passe rien. Et comme souvent dans ces cas-là, arrive la grande aventure. Quelque part le long de la voie ferrée de Castle Rock, un adolescent récemment disparu est mort accidentellement et les autorités ne l'ont pas encore retrouvé. Nos galopins flairent le scoop, la gloire locale... Et puis, à quoi ça peut bien ressembler un mort ? Pour répondre à cette excitante question, nos aventuriers entreprennent la plus extravagante des expéditions. Il suffit de suivre le ballast pour remonter jusqu'aux sources de la mort. Deux jours qui vont peser très lourd dans leur enfance, deux jours de fugue à prendre la clé des champs, à découvrir les clés de l'âge adulte.
J'en parle au présent mais le film, lui, est écrit au passé. Gordie Lachance (Will Wheaton), le vrai héros de l'histoire, est devenu écrivain et nous raconte son meilleur souvenir d'enfance. Le film est donc construit comme une narration en flash-back. Un flash-back tout simple qui remonte le cours de la mémoire. L'action se situe à la fin des fifties, époque bénie et nostalgique pour le scénariste d'aujourd'hui. Alors, dans "Stand by me", il y a le look, les coiffures, la musique et les bagnoles, grosses limousines vrombissantes à bord desquelles les aînés font les quatre cents coups... Mais l'essentiel n'est pas là. Les héros du film ne sont pas les adolescents, mais les enfants. Et son thème moteur, c'est la plus banale et la plus commune des expériences de la vie, et pourtant la plus déterminante : l'enfance. Ou plutôt la nostalgie de l'enfance.
Sans une once de démagogie, avec juste ce qu'il faut de recul pour ne pas sombrer dans la guimauve, le film trouve son "la", note profonde et absolue de l'authenticité. Un film superbe qui vous gonfle les paupières et vous noue la gorge, parce qu'il investit votre autobiographie intime. En chacun de nous, il y a des souvenirs comme ceux-là, des douleurs aussi définitives, des joies aussi pures. Rob Reiner, le réalisateur, a filmé avec sa mémoire, juxtaposée à celle de Stephen King, l'auteur du court roman dont le scénario est tiré. Dans l'aventure tragi-comique de ces quatre gosses, il y a comme une universalité de l'initiation au vide, du parcours vers la gravité, des très fortes émotions partagées en commun.
L'écueil dans ce genre de film, est bien évidemment celui de la mièvrerie. Citer le nom de Stephen King, c'est déjà prendre une assurance contre la bibliothèque rose. Si l'enfant est omniprésent dans son œuvre ("Shining", "Carrie", entre autres), c'est une enfance médiumnique où l'imaginaire acquiert un pouvoir fantastique contre le monde adulte. Une enfance qui flirte avec la mort et les terreurs de l'au-delà, mais une enfance en détresse et, malgré tout, candide.
"Stand by me" est une œuvre soft et sans le moindre phénomène irrationnel. N'empêche, l'enfant est au milieu d'une angoisse morbide. Chacun des héros a déjà un compte à régler avec la vie. Gordie a perdu son frère aîné, qui était l'orgueil de la famille. Avec un père alcoolique et un frère loubard, Chris est sur le point de mal tourner. Teddy a pour père une brute qui lui a brûlé une oreille lors d'une raclée mémorable. Vern, enfin, est un gros-plein-de-soupe benêt, ce qui suffit à son malheur. Rob Reiner filme à fleur de sentiment les moments dramatiquement très intenses et ceux, plus légers, de grâce pure (I'apparition de la biche sur la voie ferrée, le bivouac où Gordie raconte une histoire de son crû). Dans une lumière somptueuse, la campagne est là, à perte de vue (bois, chemin forestier, rivière étincelante), contrepoint apaisant à toutes les tensions. Cette très belle histoire est jouée par de jeunes acteurs exceptionnels. Sans cabotinage, sans surenchère, avec une vérité et un naturel purement stupéfiants, ils s'affirment comme de véritables pros. Au tennis, on dirait que ces artistes (réalisateur compris) ont un sens inné du ''toucher .

DENIS PARENT


"River was a sensitive. He had so much compassion for everyone and everything that he had a weight on his heart." ("River était un sensitif. Il avait tant de compassion pour tout et tout le monde qu'il avait un poids sur le coeur") -- Samantha Mathis

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