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Mosquito Coast Indiana Jones et la dernière Croisade


A Bout de Course


Studio N° 19, novembre 1988

Au nom du père

II faut sans doute remonter douze ou treize ans en arrière, à l'époque d'"Un après-midi de chien", de "Serpico" ou de "Network", pour retrouver chez Sidney Lumet un film d'une telle intensité. Lumet, dont les héros sont souvent plongés dans des combats désespérés contre un système qui les rejette, a choisi avec "A bout de course" de se pencher sur le sort d'une famille américaine tout à fait hors normes : Arthur et Annie Pope, qui vivent depuis près de vingt ans dans la clandestinité et dans la crainte quotidienne de tomber entre les mains du FBI. Et la naissance de leurs enfants Danny et Harry n'a rien changé à leur jeu de cache-cache. Au début des années soixante-dix, Arthur et Annie Pope faisaient en effet partie de ces activistes en lutte contre l'establishment et avaient participé, pour protester contre la guerre du Viêt-nam alors à son paroxysme, à un attentat contre une fabrique de napalm. Malheureusement, un gardien de nuit avait perdu la vue à la suite de l'explosion et depuis, le couple encourt une peine de quinze ans de prison. Aujourd'hui, la guerre du Viêt-nam a cessé, les années soixante-dix sont loin et les excès de la génération de 1968 sont presque entrés dans les livres d'histoire. La plupart des anciens camarades des Pope ont trouvé une place de choix à l'intérieur même du système qu'ils combattaient hier et conservent sans doute de ces années de braise les meilleurs souvenirs de leur jeunesse.
Pour les Pope, en revanche, leur engagement d'hier a viré au cauchemar et le souvenir de cet attentat raté est comme une plaie qui n'a pas cicatrisé. Pour eux, il n'y a pas eu de pardon et donc pas d'insertion possible. Ils sont donc depuis plus de quinze ans comme les victimes involontaires et sacrifiées de toute une génération. Traqués par le FBI, sans droits ni statut, les Pope sont condamnés à errer sur le trottoir américain en changeant régulièrement tout à la fois de domicile, de travail et d'identité.

Dans "A bout de course", toute l'intelligence et la sensibilité de Lumet ont été de ne jamais tirer le scénario vers le suspense classique du polar (on se pose à peine la question de savoir si les Pope vont être arrêtés ou non) mais beaucoup plus habilement d'essayer de pénétrer l'intimité de cette famille totalement marginalisée. Pour cette raison sans doute, la mise en scène est d'une remarquable sobriété et la caméra de Sidney Lumet se contente discrètement de noter une à une les traces laissées par tant d'années de fuite et de clandestinité. Ainsi, cette paranoïa devenue chronique au fil du temps, cette méfiance que chacun des membres de la famille se porte à lui-même (un simple lapsus à l'extérieur peut prendre la forme d'une trahison involontaire), cette tendresse, cette complicité, ces repas en famille, ces frictions, ces fous-rires et toutes ces petites scènes de la vie ordinaire qui donnent aux Pope une apparente normalité. Peu à peu, Lumet montre à quel point Arthur et Annie Pope, malgré leur situation exceptionnelle, sont parvenus à s'adapter, à gérer leur exclusion et à vivre presque normalement. Comme si le temps des regrets et de l'amertume passé, il ne restait que la volonté farouche de vivre - survivre - dans l'espace restreint de liberté surveillée qui leur reste...
Jusqu'au jour où Danny, leur fils aîné (excellent River Phoenix qu'on avait déjà remarqué dans "Stand by Me" et "Mosquito Coast") finit par ne plus supporter cet état de clandestinité. Lui qui n'était pas encore né à l'époque de l'attentat fatidique n'a aucune raison de s'inventer tous les six mois un nouveau passé, une nouvelle identité et de faire de sa propre existence un mensonge permanent. Même si cela implique une rupture définitive avec ses parents, Danny veut vivre au grand jour, s'inscrire à l'Université de piano, et connaître un amour sincère avec son amie Lorna... Bref, vivre comme n'importe quel autre Américain de son âge. Sa liberté à lui n'est rien d'autre que le système combattu par ses parents vingt ans plus tôt. Pour Arthur et Annie Pope, l'attitude de leur fils revient à une seconde exclusion, remet en cause la fragilité de leur équilibre et surtout, souligne encore la vanité de leur propre parcours.
Si dans le scénario, Danny Pope est le personnage central, celui qui fait évoluer la situation, on sent néanmoins que Lumet s'est avant tout attaché à la destinée dramatique de ses parents, Arthur et Annie Pope (la plus belle scène du film est d'ailleurs celle où Annie Pope revoit son père - un riche industriel conservateur- pour la première fois depuis sa clandestinité et lui demande, à bout de force, de prendre en charge l'insertion de son fils dans la légalité). Il faut dire que ce couple en cavale est exactement le type de personnages que le cinéma évite généralement de traiter. Ni héros, ni anti-héros, leur seul acte de bravoure (si toutefois cet attentat manqué en est un) est loin derrière eux et leur seule ambition aujourd'hui est de vivre dans la norme et d'accéder enfin à la tranquillité. Depuis vingt ans, ils hantent l'Amérique avec le rêve impossible que cette course éperdue en finisse. Vingt années passées à tenter de gommer cette limite invisible qui sépare l'illégalité de la légalité. L'anormalité de la normalité. Et le regard que leur porte Sidney Lumet est magnifique de chaleur et d'humanité.

CHRISTOPHE D'YVOIRE


Première N° 140, novembre 1988

Un sujet effleuré. Une mise en scène académique.

Que sont devenus les contestataires des années soixante ? Comme tout le monde, ils travaillent, ont fondé une famille et les enfants grandissent, merci. Pour monsieur et madame Pope, c'est un tout petit peu plus compliqué : jadis ils ont fait sauter une fabrique de napalm, et ils sont en cavale depuis quinze ans.
Quant à Danny, le grand fils, il rêve d'intégration sociale et d'études musicales. Mais pour lui permettre de se réaliser, ses parents vont-ils sacrifier leur liberté ?
Vous le saurez au bout de deux longues heures pendant lesquelles Sydney Lumet s'attarde sur une description superflue de la classe moyenne américaine pour se souvenir, occasionnellement, du thème : les retombées de la crise de société des années soixante/soixante-dix sur une génération qui ne l'a pas vécue. Pire, ce film, qui ne prend aucun risque pour ne froisser personne, est si académique qu'on a souvent l'impression qu'il date... des années soixante-dix justement.

L.B.


Starfix N° 65, octobre 1987

En une seule et courte séquence, sans qu'un seul mot soit prononcé, tout est dit : une voiture de police s'arrête sans bruit près d'un terrain de sport, un jeune homme quitte très vite l'école sans se faire remarquer et fait signe à son petit frère de le suivre. Les parents embarquent leur petit monde. L'aisance et l'efficacité de leur départ n'est que le fruit d'une longue habitude : dans les années soixante-dix, Arthur et Annie Pope ont participé à un attentat politique qui a coûté la vie d'un gardien. Depuis, poursuivis par le FBI, ils changent d'Etat d'identité, d'aspect, chaque fois qu'on retrouve leur piste.
Sidney Lumet ne prétend pas montrer ce qui se passait dans les jeunes années tumultueuses des Pope, mais les conséquences de leurs actes. Leur vie nomade est racontée du point de vue du fils aîné, Danny, agité de sentiments divers, amour de sa famille, désir de liberté, refoulements dus à l'impossibilité de se lier d'amitié de s'exprimer librement, de crier son nom et ses désirs.
River Phoenix, depuis ses premiers rôles dans Stand by Me, Mosquito Coast, devient l'un des « grands » jeunes acteurs du cinéma américain, jamais comparé à personne, destiné à être imité par ses successeurs. Dans A bout de course, contrairement à ce qu'en aurait fait un réalisateur moins subtil que Lumet, sa révolte n'est pas tout d'une pièce, et ses sentiments troublés rejoignent un peu ceux qu'éprouve le spectateur : ces anciens terroristes qui avaient agi à la légère, devenus si attachants dans leur cavale-punition, ne font pas oublier que la plupart d'entre eux demeurent des tueurs de sang-froid ; de même les liens affectifs très forts qui unissent cette famille compensent la perpétuelle instabilité de leur existence. L'adolescent ne peut qu'être déchiré de les quitter autant que de les suivre.
A bout de course est un film passionnant, haletant et sensible avec de grands moments d'émotion qui tiennent en haleine autant que le déroulement serré de l'action.

HELENE MERRICK


"River was a sensitive. He had so much compassion for everyone and everything that he had a weight on his heart." ("River était un sensitif. Il avait tant de compassion pour tout et tout le monde qu'il avait un poids sur le coeur") -- Samantha Mathis

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